
...car c'est bien d'un joyaux qu'il s'agit, un diamant livré dans un écrin doré ou bleu-vert, selon le choix de l'heureux propriétaire qui était capable de débourser une somme folle en 1978 pour le droit de rouler dans la voiture la plus chère des Etats-Unis, pour peu qu'il opte pour le package de 8000 $ d'options (soit l'équivalent d'un 4X4 neuf...) et signe un chèque de 22 000 $ !



Pour célébrer en 1978 le 75 ème anniversaire de la fondation de la Compagnie, Ford produisit une édition limitée de son fleuron la Lincoln Mark V qui avait connu un succès phénoménal l'année précédente, avec plus de 80 000 exemplaires vendus. Seulement 5 159 exemplaires de la Diamond Jubilee furent accessibles à un nombre d'acquéreurs hautement privilégiés. En fait, si l'on se réfère à une lettre de F. J. Milliken, Plant distribution manager de la Lincoln Mercury Division en date du 30 mars 1979, ce sont très exactement 2435 Diamond Blue et 2382 Jubilee Gold qui furent livrées cette année-là. ...Et cette année-là seulement ! car ces modèles anniversaire ne furent pas reprogrammés, comme il se doit, pour 1979, ultime année de production du dernier grand Full-size de la Marque (et des USA, la Cadillac Eldorado Custom Biarritz n'étant pas reconduite en 79). La Division créera cependant une Collector'séries pour écouler les stocks des options restantes des Diamond Jubilee.



Les dépliants publicitaires de l'époque présentent la série limitée Anniversary comme "the most luxurious production automobile we've ever built" et il ne s'agit pas là, pour une fois, d'une publicité mensongère ou exagérée ! La Jubilee avait tellement d'options en équipement standard qu'il ne restait plus grand chose dans le choix pourtant très coûteux des ultimes options comme le toit ouvrant électrique, la radio CB 40 canaux, l'indicateur électronique du nombre de miles restant à parcourir en fonction de la quantité de carburant et la vitesse du véhicule (miles-to-empty : le premier existant sur un véhicule), le différentiel auto-bloquant, le 460 ci, le sure-track, ancêtre de nos freins ABS et quelques bricoles propres aux normes californiennes.




Mais je bavasse, je bavasse et j'oublie de vous inviter à bord, au fond le meilleur moyen de vous faire goûter aux largesses de ce monument ultime de l'histoire automobile américaine

Comme il est tard et qu'il fait déjà nuit, je soulève la poignée de portière conducteur, aussitôt l'illuminated Entry System option enclenche les 6 lampes de l'habitacle et comme ma vue de près commence à baisser avec l'âge avançant, un rayon circulaire éclaire la serrure pour guider mon geste vers la serrure. Bien pratique...

Une fois assis, je profite des 6 ways pour ajuster mon siège et, pourquoi pas, la fonction "lombaires", puis je vérifie que le volant réglable est à bonne position. Je fais les réglages nécessaires des rétros du bout des doigts sans avoir à me contorsionner, pour une fois !

Je mets le contact avec la superbe clé marquetée en fond de l'insigne Lincoln et, comme il a gelé légèrement, j'enclenche le dégivrage automatique des glaces des rétroviseurs. Puis j'allume les feux et sors faire un tour du véhicule pour voir si tous fonctionnent car, mon Dieu, il y en a... depuis les feux de positions intérieurs de la portière, les feux de positions orangés qui illuminent de chaque côté à l'avant en permanence les insignes transparents de la Marque, jusqu'aux superbes land coachs dans le style limousine à la frontière du demi-toit vinyle -hyper-rembourré- Gold.


Avant de remonter à bord, je ne résiste pas au fait d'effleurer du bout des doigts les initiales du premier propriétaires sur le montant de portière puis, une fois assis dans le siège moelleux aux magnifiques entrelacements brodés spécial édition, j'insère la cartouche 8 pistes. Et c'est bercé par une mélodie 70's susurrée par des hauts-parleurs réellement quadriphoniques que j'enclenche le Drive pour glisser -il n'y a pas d'autre mot- sur l'asphalte, comme si le pare-brise était devenu un écran panoramique où la route se déroule devant soi, tellement on a l'impression d'être sur un tapis volant.



Je ressens soudainement le besoin d'avoir un peu d'air de l'extérieur. Nul besoin de descendre l'immense vitre latérale pas plus que le toit ouvrant, la petite vitre électrique latérale suffit pour cela.

Soudain, à l'orée d'un tournant, les phares d'un véhicule apparaissent. Pas de geste au pied de ma part, le changement code-phare que j'ai programmé plus tôt se fait automatiquement. J'ai tout loisir pour me concentrer sur la conduite, speed control engagé, baigné par l'agréable lumière vert fluo des compteurs, tout à la contemplation de voir le croisement des faisceaux illuminer l'insigne de capot en cristal doré spécifique à la Jubilee Gold, plus rare et plus cher qu'une Spirit of Ectasy... Cette fois, le luxe à l'anglaise est bien surfait, n'est-il pas ?...


C'est béatement que je fais un ultime réglage de mon siège de salon présidentiel et mes coudes trouvent naturellement leur position sur le -vrai- cuir des accoudoirs latéraux tandis que j'enfonce mon pied gauche dans les 36 ounces de la profonde moquette Tiffany.
Arrivé à destination, une légère pression sur le miles to-empty m'indique qu'il n'est pas nécessaire de faire l'appoint d'essence. J'ouvre le coffre sans quitter l'habitacle et comme quelques gouttes commencent à tomber, je prend le parapluie prévu à cet effet dans son logement de l'accoudoir central. Dans le coffre ultra capitonné, je récupère dans la luxueuse trousse à outil en cuir une lampe puissante estampillée Diamond Jubilee Gold pour éclairer, cette fois, la porte du garage afin de l'ouvrir. Bien sûr, j'aurais pu le faire depuis l'habitacle en pressant un bouton sur le pare-soleil mais comme je n'ai pas encore eu le temps d'installer les commandes automatiques livrées en option...



Une fois la voiture garée, je ferme les portières par la commande centralisée. Tiens, toutes les lumières, phares et intérieurs restent allumées ? Mais comme par magie, grâce à l'auto lamp system, elles s'éteignent au bout d'une vingtaine de secondes et les trappes de phare se referment comme pour signaler la mise en sommeil tranquille du géant.


Avant de la quitter, je l'enveloppe de sa housse en tissu de qualité, comme pour lui souhaiter bonne nuit. Quant à moi, nul doute que je vais faire aussi de beaux rêves...

Dans un prochain post, je vous narrerai un peu plus l'historique du véhicule
